EXCELSIOR
Mardi 15 Février 2000
(page 5)
CULTURE
Sergio Peraza expose à Metz et Chicago
“Ici seuls les artistes consacrés sont aidés”
Patricia Rosales y Zamora.
Sergio Peraza a commencé cette année son travail artistique avec deux grandes expositions internationales : Oeuvre chaude pour journées froides, présentée dans une galerie de Metz, en France, et qui se trouve actuellement dans le bâtiment de la compagnie d’assurances AXXA, pour être montée plus tard au Luxembourg; et l’exposition collective Xoloiscuintli: le chien Précolombien Mexicain sans pelage, présentée à Chicago et où l’artiste partage les crédits avec Raúl Anguiano, Diego Alvarado et Arturo García Bustos entre autres.
En même temps, étant reconnu comme le meilleur sculpteur portraitiste de nos jours, Sergio Peraza vient de terminer un buste de Leopoldo Zea et travaille à ceux d’Octavio Paz, de Manuel Gamio et de Sebastián. À ceci il ajoute une longue liste de commandes (à part celles qu’il a en France), d’une “tâche qui n’a pas de fin quand je me rends compte de la richesse culturelle qu’il y a dans les visages”.
Le jeune sculpteur parle de son travail plein de ferveur, de passion, de vitalité et d’amour de la sculpture, qu’il a hérité de son père Humberto Peraza, et de son activité en Europe. Il reconnaît l’ego qu’il y a chez lui en tant que créateur, “mon nom reste pour toujours gravé dans le bronze à côté du personnage, par exemple celui de Silvio Zavala”; comme celui du portrait “son image physique est transcendée à travers les mains de l’artiste du moment, c’est un ego naturel, humain”.
Mais il existe le risque que votre carrière soit plus liée à la réalisation de bustes que de vos travaux personnels…
Cela ne me gêne pas d’être reconnu comme le meilleur portraitiste de nos jours car j’expose aussi en Europe. Nous sommes deux Sergio Peraza: celui qui expose là-bas une proposition, produit de sa création personnelle, et celui qui veut laisser aux générations futures une image des personnalités de mon époque. Si on m’étiquette, cela ne me causera aucun problème car je suis heureux de travailler là-dessus et aussi car il y a des gens qui connaissent mon oeuvre créative.
Oeuvre chaude pour journée froides est constituée de 10 sculptures en bronze et de 15 peintures réalisées entre 1998 et 1999, dans lesquelles il présente des thèmes universels comme la liberté, la peur el le désir sexuel. À Metz il a été l’objet de quelques critiques à cause de la violence qu’il y a dans certaines pièces, “peut-être parce qu’en France on ne sait pas ce que c’est que vivre à Mexico, ville si grande, si polluée et dangereuse; cela a créé une certaine polémique qu’un mexicain expose dans cette ville pour la première fois” . L’exposition ira à Strasbourg en juillet et puis en Allemagne.
Xoloiscuintli… , où Sergio présente deux bronzes, sera exposée aussi à Los Angeles en mars prochain, et fait partie de la recherche individuelle de ce créateur pour devenir international, même si des engagenments au Mexique l’empêchent de continuer. Il espère revenir à Paris dans deux ans avec de nouveaux travaux.
Il résume son travail créateur de ces dernières années: “Je suis en train de changer positivement, car chaque fois que je modèle une nouvelle sculpture je le fais mieux; l’artiste est comme le sportif, plus il s’entraîne, meilleur il est. Techniquement je me surpasse tous les jours, la créativité est toujours présente et dans le discours plastique je suis en évolution constante; je viens d’avoir l’idée de Art de bureau, travaux élaborés avec imagination et avec les détritus des bureaux… Voici une rénovation, puisque chez moi il y a une invention continue d’histoires” .
Sur sa conception en tant qu’artiste indépendant qui fait un double effort: de création et de diffusion, il commente qu’au Mexique l’État appuie les artistes consacrés ou les grands artistes: “ C’est très bien qu’on organise des expositions aussi importantes que celles de César ou de Camille Claudel, c’est dommage qu’on annule celle du grand sculpteur francais Bourdelle. Mais en plus de tous ces efforts, le corps diplomatique devrait constamment embaucher de jeunes artistes mexicains pour les envoyer dans les pays et inciter à la création de cette manière” .
“Le Mexique, ce n’est pas seulement Rivera, Siqueiros, Coronel, Cuevas; nous les jeunes, nous avons beaucoup à donner, mais parfois c’est tellement difficile d’y arriver, et quand nous y arrivons nous ne faisons plus un art jeune parce que nous avons dans les cinquante ans. Les politiques qui aspirent à la présidence doivent se demander comment maintenir l’image du Mexique fraîche dans le monde, comment aider ses artistes sans limitation de tendance ou d’âge. Cela manque encore cruellement. J’ai cherché des sponsors que j’ai trouvés par exemple en France dans le secteur privé, tandis qu’ici c’est plus compliqué et difficile, car si on n’a pas un solide prestige, presque personne ne parie sur le futur d’un artiste jeune. Une fois j’ai demandé de l’aide à l’État mexicain pour une exposition à Paris – je voulais qu’on m’envoie les sculptures que j’avais à Mexico, déjà emballées -, mais cela ne m’a pas été accordé et j’ai perdu patience. Ne disposant pas de cette aide , il a fallu que je travaille et que je fasse de nouvelles oeuvres. Face à un moment critique l’artiste s’en sort toujours grâce à sa créativité et tout a été beaucoup mieux pour moi. Si les créateurs ne marchent qu’avec des bourses, ils se transforment en artistes qui ne savent pas se débrouiller; le mieux, c’est de lutter, et si on a de l’aide on en profite au maximum, sinon on parcourt peu à peu le labyrinthe qu’est ce chemin de l’art” .
Portraitiste contemporain et maître d’une solide préparation académique, Sergio Peraza a dit, entre autres, que le public comprend mieux la sculpute qu’avant: “ Mais c’est dommage qu’il n’y ait pas de concours, car avec ceux-ci, ou les biennales et triennales qu’organisait l’Institut National des Beaux-Arts, on se lancait et un mouvement de sculpture mexicain apparaissait; hélas il ne se produit plus , si ce n’est grâce à des initiatives privées comme les sculptures de l’Avenue Paseo de la Reforma. Il y a une nouvelle conception de la sculpture , mais elle est encore très limitée, il faut continuer à se battre pour qu’il y ait plus d’expositions de sculpture et pour faire connaître l’oeuvre de grands créateurs comme par exemple celle de mon père”, dont la diffusion – admet-il – n’a jamais été aussi ample , malgré sa grande valeur, que l’est celle de personnes liées à un groupe ou une chapelle.
Abajo de la foto: XOLOISCUINTLI miroir de Tajín, bronze de Sergio Peraza.
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